Je ne pensais pas être transporté aussi loin dans le temps pour découvrir que les premières traces de réalité augmentée ont vu le jour en Angleterre en 1863. Et pourtant c'est chose faite ! Alors voici "l'effrayante" histoire d'Henry Dircks et John Pepper.
Londres 1858 - Le contexte de l'époque est au spiritualisme moderne. La société mondaine souhaite converser avec ses défunts amis, amours ou membres de la famille, et c'est ce que le spiritisme promet. Les fantômes deviennent la tendance. Les anglais y voient alors une notion d'enchantement, ainsi les sciences occultes gagnent en popularité...
Naturellement, la communauté scientifique rationaliste qualifie tout cela d'illusion de charlatan et de pseudo-science. Le ton était donné et c'est très certainement parti en vrille plus d'une fois dans les coffeehouse londoniens.
Les spiritualistes avaient besoin de donner du corps à leur discours et ils tentaient de convaincre leurs clients en utilisant des "lanternes magiques" (ancêtre du projecteur) pour diffuser des images de fantômes et ainsi créer l'expérience augmentée.
Agacé par ces tours de passe-passe de bas étages, Henry Dircks un ingénieur chevronné qui avait compris l'attrait commercial autour du fantôme, se mit en quête de trouver une technique de projection bien plus satisfaisante. En 1862, son travail donna naissance à ce qu'il baptisa le "Dircksian Phantasmagoria". Dircks avait pour cible le divertissement et plus particulièrement le théâtre d'horreur très en vogue sous l'influence du spiritualisme.
Grace à la supériorité de son appareil Dircks soutient que :
La technologie au service de l'illumination chassera les délires optiques au service de labête.
C'est donc vers l'industrie des arts dramatiques que Dircks se tourne en présentant son travail dans les théâtres. Or si l'invention de Dircks permet pour la première fois de projeter un fantôme de plein pied, l'installation est lourde et demande de modifier la structure des théâtres. Trop coûteuse, Dircks ne parviendra pas à vendre sa technologie.
En 1862, Dircks se rend à la Royal Polytechnic de Londres (maintenant Université de Westminster) pour une présentation de son invention. La Royal Polytechnic était une institution très proche des sciences et avait pour but de faire des démonstrations grand public de nouvelles technologies. C'est dans ce contexte que Dircks démontra qu'il pouvait créer des fantômes. Nouvelle qui piqua la curiosité d'un homme dans l’assistance, le directeur de l'institution, John Pepper.
Le professeur John Henry Pepper était connu internationalement comme un showman et un conférencier en sciences populaires. Après la présentation de Dircks, il réalisa qu'il était possible de modifier légèrement la technique de l'ingénieur pour l'intégrer plus facilement au théâtre existant.
The Dirksian Phantasmagoria était une illusion qui utilisait un verre réfléchissant perpendiculaire au sol du théâtre, reflétant ainsi les acteurs directement sous le public.
Pepper inclina le verre à un angle de 45 degrés et dissimula les acteurs dans une fosse devant le public.
Pepper fit une démonstration de l'effet pendant une scène de The Haunted Man de Charles Dickens. L'effet rencontra un franc succès et fut baptisé dès lors de Pepper's Ghost. Les deux pères des fantômes trouvèrent un accord en déposant un brevet commun The Patent Ghost, et Dircks céda ses droits financier à Pepper. La relation entre Dircks et Pepper a été résumé dans un article paru en 1863 dans le magasine The Spectator.
Le Pepper's Ghost est techniquement la première représentation de ce que l'on considère maintenant comme un hologramme. Attention, ici il s'agit d'un reflet sans profondeur. Même si les technologies holographiques actuelles se basent également sur un système de reflets, ce qui défini un hologramme tel qu'on le conçoit aujourd'hui relève du relief et donc de la 3 dimension. Il y a dans l'hologramme une notion de volume qui n'était pas présente dans les représentations "plates" des Pepper's Ghost. Cependant ces fantômes répondent bien à la vision que l'on se fait d'une réalité augmentée : comme un calque qui se superpose et s'intègre au réel.
La réponse est simple : NON.
Même si le géant mobile de la réalité augmentée a choisit pour logo le fantôme la coïncidence avec les Pepper's Ghost est sans fondement. Le fantôme de Snapchat illustre le caractère éphémère des messages et des photos qui apparaissent et disparaissent après quelques secondes de consultation. C'est ce concept qui a rendu célèbre l'application.